Cahier critique 17/05/2017

“Cross” de Maryna Vroda

Palme d’or du court métrage au Festival de Cannes 2011.

Récompensée par la Palme d’or du court métrage, la production franco-ukrainienne Cross de Maryna Vroda s’interroge sur le destin d’un jeune garçon et plus largement sur le nôtre. Censé faire le tour d’un bois en jogging avec sa classe, un groupe de jeunes s’éclipse pour aller fumer des cigarettes, mais une rixe éclate et l’un d’entre eux s’enfuit et se met à courir seul à travers la forêt. Échappant à la honte d’avoir pris un poing dans la figure, carburant peut-être à la haine, séparé à deux reprises de ce qui constitue “la société”, le garçon court seul. Seul, on est toujours seul.

Cross est une fuite, une évasion, une initiation. Au plus près de son personnage, la cinéaste Maryna Vroda accompagne, caméra à l’épaule, cette course muette. Mais au-delà de ce mouvement de fuite, Cross est une histoire de croisements et de traversées. Le premier plan du film est un plan fixe. La caméra située à l’arrière d’un train enregistre l’image toujours hypnotisante des rails qui défilent. Le train s’arrête ; on aperçoit alors un groupe d’élèves traverser la voie ferrée. Smoking / No smoking. La vie repose sur le hasard nécessaire de rives à franchir. Dans le bois, la course de l’adolescent ressemble à un plan de coupe d’une société en plein délitement, une société où il faut jouer au plus fort mais où l’on trouve toujours plus fort que soi, où la réunion rime avec l’exclusion, où la violence de l’homme se retrouve à l’état brut ou canalisée par des pratiques sportives et communautaires.

Le protagoniste principal est un enfant animal. On aurait envie de le comparer à un renard sauvage manquant de se faire écraser à chaque rencontre humaine. À côté de la première séquence, la dernière est peut-être la plus réussie du film. On y voit un homme courir dans une bulle en plastique sur l’eau à la manière d’un hamster dans sa roue. Comme dans le plan d’exposition, Vroda met en scène un mouvement continu, fatigant et éreintant, autour d’un axe toujours fixe et immobile. Une bien belle image et allégorie de notre destinée.

Donald James

Article paru dans Bref n°98, 2011.

Réalisation et scénario : Maryna Vroda. Image : Volodymyr Ivanov. Montage : Thomas Marchand, Maryna Vroda et Roman Bondarchuk. Son : Maria Nesterenko, Boris Peter et Frédéric Théry. Décors : Ivan Orlenko et Maryna Dykoukha. Interprétation : Egor Agarkov, Valeria Bogdanova, Nastya Dynaeva, Masha Tkatchenko et Maria Sodol. Production : Les Trois Lignes / Maryna Vroda.