Cahier critique 21/06/2022

“What is a Woman” de Martin Håskjold

Un débat a lieu dans le vestiaire des femmes lorsque l’une d’elle demande à une femme transgenre de partir.

Trois femmes prennent une douche face à la caméra tandis que le générique s’affiche en lettres roses au son de l’eau qui coule. Elles sont jeunes ou âgées et ont des bourrelets, de la cellulite ou encore un sein en moins. L’ouverture de What is a Woman ? de Marin Håskjold est à l’image du reste du film : sans détour, elle met d’emblée en évidence la diversité des corps féminins. Le récit se déroule entièrement dans un vestiaire de femmes, espace non mixte et lieu d’intimité par excellence, qui va devenir le théâtre d’une confrontation à partir du moment où l’un des personnages laisse entendre à une femme trans qu’elle n’y a pas sa place. La question suivante, déjà énoncée clairement par le titre, se pose dès lors : qu’est-ce qu’une femme ?

Face à cette interrogation, deux clans se forment avec les représentantes du sexe biologique d’une part et celles du genre, selon qui on ne naît pas femme mais on le devient, de l’autre. Cette opposition est mise en scène de manière brute et sans artifice à travers l’absence de musique, la caméra portée en même temps que l’économie générale du film (qui se déroule dans un temps et un espace très restreints) rendant leur échange d’autant plus authentique. Les discours s’entrechoquent à travers un jeu de champ-contrechamps qui va évoluer vers de rapides mouvements de caméra, passant d’un visage à l’autre, à mesure que la situation empire et devient hors de contrôle.


Le débat se complique en effet avec l’arrivée d’une femme à l’allure androgyne qui, si elle possède un sexe féminin, ne se sent pas femme pour autant. Après la question des organes génitaux, c’est désormais celle de l’apparence, et plus largement des stéréotypes de genre, qui entre en jeu. Suite à un climax particulièrement violent, la fin tranche par son silence et la simplicité de la réplique du personnage trans (“je voulais juste prendre une douche”) qui met ses détractrices face à leur propre incohérence. En effet, alors que ces dernières se plaignent de leurs revendications, jugées trop pesantes et floues, ce sont pourtant elles qui sont à l’origine du conflit. Le film s’achève sur ce constat : le monde serait bien plus simple si seulement chacun et chacune acceptait de laisser les autres libres d’être ce qu’ils ou elles souhaitent.

Chloé Cavillier

Norvège, 2020, 14 minutes.
Réalisation et scénario : Martin Håskjold. Image : Tora Johanne Turø. Montage : Stella Michelet et David Krøyer. Son : Fanny Wadman et Sverre Matias Smith. Interprétation : Mina Alette Høvik, Louise Löwenberg, Eva Johansson, Rebekka Jynge, Mariken Halle et Alfred Eielsen Halle. Production : Alternativet Produksjon AS.