Cahier critique 07/11/2018

"Andorre" de Virgil Vernier

Avant Sofia Antipolis, un autre portrait de ville improbable.

Bienvenue à Andorre, destination singulière, entre station thermale et sport d'hiver. Dans ce documentaire d’une vingtaine de minutes, Virgil Vernier nous octroie une visite de choix de ses boutiques et ses activités. Avant le voyage, un aperçu des commentaires sur la principauté trouvés sur internet. « Tobacco, Alcoholic drinks, sport equipment, health and pharmaceutical products, perfumes, fashion, jewellery, electronics » peut-on lire en lettres capitales noires sur un écran tout blanc. Une liste qui pourrait presque faire office de table des matières pour nous guider dans les rues d’Andorre. Première étape : la douane. Juste après - ironiquement - un magasin qui semble vendre à peu près tout en quantité astronomique, des paquets de cigarettes aux ours en peluches. Des plans lents et longs nous présentent des rayonnages et des rayonnages de Marlboro, Camel, Gauloise. Une infinité de cigarettes présentée presque religieusement. La musique contribue à cette impression. Un motif inquiétant et stressant résonne infiniment sur un thème aux notes légères, comme si ces images devaient nous faire peur et plaisir à la fois. 
C’est la force du réalisateur, il réussit à faire correspondre une atmosphère aux différents endroits de la principauté. Sans clairement indiquer au spectateur quoi penser, il constate simplement et se fait oublier derrière la caméra. L’environnement ne réagit pas du tout à sa présence et il semble que le film se tourne tout seul. Il nous place dans la peau d’un touriste qui observerait de très près les enseignes et les paysages. Son regard légèrement cynique s’attarde sur des publicités et semble transmettre l’oisiveté et la langueur du luxe dans une séquence à la limite de l’onirique. 
Le réalisateur n’en oublie pas pour autant la réalité concrète du lieu, ses mémoires, ses habitants. Il mêle passé, présent et avenir en demandant à une jeune femme d’expliquer une sculpture. Cette voix, qui est la seule du film, ressort comme un appel à l’aide, le désir de sortir de cette apesanteur transcrite à l'écran. Le montage trace un parallèle entre une maquette et son équivalent grandeur nature. La musique nous submerge dans une acoustique aquatique. On nous présente ainsi les pistes de ski et la station thermale comme des lieux hors du temps et de l’espace, où les gens vivent de jour comme de nuit, où le loisir et l’argent auraient plongé les hommes dans un demi-sommeil. 
On finit le séjour en repassant par la douane, la tête pleine d’images et de souvenirs. Dernier coup d’oeil sur les thermes, puis nous partons sans regret. Prochaine visite ? Sophia Antipolis.

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Virgil Vernier. Image : Jordane Chouzenoux. Montage : Raphaëlle Martin-Holger. Musique : James Ferraro. Son : Julien Sicart, Raphaëlle Martin-Holger et Simon Apostolou. Production : Kazak Productions.